L’auteur
Sigmund Freud naît en
1856 à Freiberg – ancienne Moravie aujourd'hui en République
Tchèque – dans une famille juive. Il fait des études de médecine
puis, diplômé en 1881, se spécialise en neurologie, sous
l'influence notamment des professeurs Charcot et Bernheim.
Il crée une méthode
originale de l'exploration de l'inconscient basée sur la parole
cathartique – libre association des images, des souvenirs des idées
permettant de décrypter les significations inconscientes de conduite
ne s'expliquant pas par la logique du conscient, notamment les rêves,
lapsus, oublis et symptômes névrotiques comme l'angoisse, la
phobie, l'obsession. À partir de ces travaux, limités à l'origine
aux hystériques, il bâtit ensuite la psychanalyse, méthode de
psychologie clinique basée sur l'investigation des processus
psychiques profonds, en s'appuyant en partie sur sa propre
expérience. C'est ainsi que la mort de son père, survenue en 1896,
lui permet de mettre en évidence le principe du refoulement.
L'ensemble de la théorie
freudienne repose sur deux postulats qu'il appelle « topiques ». La
première topique date de 1915. Elle se base sur une division de la
vie psychique en trois instances : l'inconscient – dans lequel sont
refoulées les pulsions les plus asociales – le pré-conscient –
où s'expriment certaines pulsions ayant passé la barrière du
refoulement comme les rêves – et le conscient – où la vie
psychique s'exprime par des lapsus, des oublis, des actes manqués
etc. La seconde topique date de 1920. Elle met en évidence les
différents rapports entre les trois instances de la vie psychique:
le « ça » – le principe de plaisir : désirs et
passions – le « moi » – principe de réalité – et
le « sur-moi » – les interdits de la vie sociale, la
morale.
Les principales œuvres
de Freud sont : L'interprétation des rêves (1900), Cinq
leçons sur la psychanalyse (1910), Totem et tabou (1913)
et Introduction à la psychanalyse (1916).
L’ouvrage
Sigmund Freud écrit la
première édition de Malaise dans la culture – traduit
aussi par Malaise dans la civilisation – en 1929.
Emprunte d'optimisme, cette première édition est amendée en 1929
par Freud qui donne à la seconde version de l'essai une tonalité
plus pessimiste, ce changement de ton étant lié entretemps à
l'arrivée des nazis au Reichstag.
Freud présente le
Malaise dans la culture
comme un livre traitant « de la culture, du sentiment de
culpabilité, du bonheur et d'autres choses élevées du même genre
et me semble, assurément à juste titre, tout à fait superflu quand
je le compare à mes travaux précédents qui procédaient toujours
de quelques nécessités intérieures ».
Freud établit en effet
un parallèle entre le processus de civilisation et le développement
psychique individuel. Il prend à témoin l'Histoire et notamment les
temps de guerre pour montrer que la guerre, comme le rêve, opère un
« déshabillage moral », une levée de la censure morale qui permet
un retour de toutes les pulsions agressives normalement refoulées
par les contraintes et les codes sociaux.
Freud traite donc de la
culture la définissant comme « la somme totale des
réalisations et dispositifs par lesquels notre vie s'éloigne de
celle de nos ancêtres animaux et qui servent à deux fins : la
protection de l'homme contre la nature et la réglementation des
hommes entre eux ». De cette définition, Freud en déduit que la
culture est édifiée à partir du renoncement pulsionnel, la vie en
commun supposant une restriction de la liberté individuelle. Ce
respect des exigences sociales est assuré au niveau individuel par
le père puis le surmoi, et au niveau collectif par la culture, qui,
comme la morale et la religion, tente de légitimer et d'assurer le
renoncement au plaisir égoïste. La tension entre le moi et le
sur-moi, entre l'égoïsme et l'altruisme est source du sentiment de
culpabilité, accru par la vie en commun.
Chapitre 1.
Explication de l'origine de besoin religieux: angoisse et besoin de
protection
Au début de l'ouvrage,
Freud s'interroge sur le besoin de religiosité, qu'un de ses amis
décrit comme « un sentiment océanique ». Il initie sa réflexion
en s'interrogeant sur le rapport du moi au monde extérieur, en
partant du nourrisson, qui exprime un fort besoin de protection
paternelle. Ainsi, ce sont les sentiments de « désaide » infantile
– Hilflôsigkeit –
de désir pour le père chez l'enfant et d'angoisse de l'adulte
devant la puissance du destin, qui sont à la source du besoin
religieux: « ce sentiment n'est pas une simple prolongation de la
vie enfantine mais est conservé durablement du fait de l'angoisse
devant la surpuissance du destin ».
Chapitre 2. La
finalité de la vie humaine : le bonheur. Comment l'atteindre?
La vie est insupportable.
La souffrance provient de trois côtés : le corps, le monde
extérieur et autrui. La finalité de la vie étant le bonheur, Freud
propose trois remèdes principaux : une diversion puissante pour
oublier la misère ou y attacher peu d'importance – par exemple, le
travail – des satisfactions substitutives qui diminuent la misère
– par exemple, l'art – et enfin des stupéfiants qui nous rendent
insensibles à la misère.
Néanmoins, Freud conclut
à l'absence de solutions universelles – par exemple, l'homme
érotique privilégie les relations à autrui, l'homme narcissique
qui privilégie ses propres satisfactions et l'homme d'action son
influence sur le monde extérieur – et met en garde contre les
dangers d'une technique exclusive : « il y a […] de nombreuses
voies qui peuvent mener au bonheur, tel qu'il est accessible à
l'homme, il n'y en a aucune qui y conduise à coup sûr ».
Chapitre 3. Définition
de la culture
« Sont culturelles
toutes les activités et valeurs qui sont profitables à l'homme en
mettant la nature à son service ou en le protégeant des autres
hommes », par exemple l'utilisation du feu. Toutefois, la culture ne
peut être réduite à l'utile, elle touche également à la beauté.
Ainsi la propreté est-elle utile mais l'utilité n'explique-t-elle
pas totalement la tendance à la propreté.
Par ailleurs, Freud met
en évidence que l’hostilité à culture est une névrose – le
refus du monde tel qu'il existe – et peut en partie expliquer la
naissance du christianisme – qui formule la promesse d'un monde
meilleur dans l'au-delà.
Chapitre 4. Les
origines de la culture et les facteurs déterminant son évolution
L'amour est la base de la
culture parce que la vie en commun est fondée sur l'amour dont Freud
distingue deux formes : l'amour originel – homme-femme – et
l'amour inhibé quant aux buts – frères-soeurs-amis.
L'amour semble dans un
premier temps s'opposer à la culture : d'une part, l'amour s'oppose
aux intérêts de la culture car il éloigne l'homme de la chose
publique et crée une cellule, la sphère familiale, qui s'oppose à
la communauté ; d'autre part, la culture menace l'amour de
restrictions sensibles – par exemple, l'interdiction de l'inceste,
de la zoophilie etc.
La culture se développe
en deux phases : tout d'abord le totémisme, qui implique
l'interdit du choix d'un objet incestueux – « le choix d'objet est
réduit au sexe opposé, la plupart des satisfactions
extra-génitales sont
interdites comme perversions » ; puis le tabou, la loi et la
coutume.
Chapitre 5. Culture et
Eros
La culture lie de manière
libidinale les membres de la communauté les uns aux autres. En
effet, l'autre « est si semblable à moi que je peux m'aimer
moi-même en lui ». Néanmoins, il n'y a aucun intérêt à aimer
l'étranger. Il est absurde et impossible d'aimer l'autre comme
soi-même car l'homme est un loup pour l'homme. « L'existence de ce
penchant à l'agression (...) est le facteur qui perturbe notre
rapport au prochain et oblige la culture à la dépense qui est la
sienne ». Freud en profite alors pour critiquer le communisme qui,
en voulant supprimer la propriété ne résout pas, à son avis, le
problème de la tendance humaine à l'agression.
Chapitre 6: Eros et
Thanatos
Freud met en lumière les
forces antagoniques habitant l'homme et qui s'affrontent dans un
combat sans fin : Eros – c'est-à-dire la tendance à
rassembler les êtres vivants en unités grandissantes, en liant les
individus par leur libido – et Thanatos – la pulsion d'agression
et de mort, qui tend à détruire l'Eros. Freud identifie la culture
comme un combat vital, un processus au service de l'Eros.
Chapitre 7. La culture
comme surmoi collectif, le sentiment de culpabilité
La culture, en tant
qu'éducation, permet d'intérioriser l'agressivité de l'homme et de
la diriger contre soi. Comme la personne est scindée entre le moi et
le surmoi, deux instances qui s'opposent – le moi est soumis au
surmoi représentant le père – il existe au sein de chaque
individu une tension que Freud appelle « la conscience de
culpabilité » et qui se manifeste chez l'homme comme un besoin de
punition. Ce conflit est, de plus, attisé par la culture et la vie
en communauté.
Freud s'attache à
analyser ce besoin de punition et cette conscience de culpabilité.
Selon lui, la personne frappée de malheur se reconnaît coupable de
quelque chose, et donc, pour se punir, s'impose des pénitences. En
outre, être frappé d'un malheur signifie que l'on n'est plus aimé
de ses parents, et qu'il faut donc regagner leur amour en s'inclinant
devant la toute-puissance paternelle. Il s'ensuit donc un renoncement
aux pulsions afin de ne pas perdre l'amour de l'autorité parentale,
ce qui devrait logiquement effacer le sentiment de culpabilité.
Cependant, le renoncement ne suffit pas, parce que l'intention de mal
agir subsiste et apparaît au surmoi, ce qui pousse à la punition.
Chapitre 8. La morale,
sur-moi de la culture
Freud insiste sur le fait
que le sentiment de culpabilité est le frein le plus important au
développement de la culture. « Le sentiment de culpabilité n'est
au fond rien d'autre qu'une variété topique de l'angoisse », il
s'agit tantôt d'une angoisse consciente – la maladie – tantôt
d'une angoisse inconsciente ou possibilités d'angoisse – le
malaise. Les religions surviennent avec la prétention de guérir
l'humanité de ce sentiment de culpabilité qu'elles appellent péché.
Chronologiquement c'est
d'abord la conscience de culpabilité qui apparaît – elle existe
nécessairement avant le sur-moi et donc avant la conscience morale
car elle est l'expression immédiate de l'angoisse devant l'autorité
externe et devant l'autorité interne, le sur-moi – puis le sur-moi
puis la conscience morale. Chaque sorte de refoulement peut avoir
pour conséquence un accroissement du sentiment de culpabilité car
l'empêchement de la satisfaction érotique suscite un penchant à
l'agression contre la personne qui trouble la satisfaction et c'est
cette tendance à l'agression qui se mue en sentiment de culpabilité.
Donc « si une tendance pulsionnelle succombe au refoulement, ses
éléments libidinaux sont transposés en symptômes, ses composantes
agressives en sentiment de culpabilité ».
Freud opère un
rapprochement entre le développement de l'individu et celui de la
culture. La communauté produit, elle aussi, un sur-moi, sous
l'influence duquel s'effectue le développement de la culture. Ce
sur-moi-de-la-culture a ses exigences qui se manifestent sous la
forme de l'éthique, tentative thérapeutique, effort pour atteindre
un commandement du sur-moi. Il s'agit d'écarter le plus grand
obstacle à la nature, le penchant naturel à l'agression. D'où le
commandement « aime ton prochain comme toi-même ». Toutefois,
l'éthique se soucie trop peu du moi et il est évident pour Freud
que ce commandement est impraticable – « une inflation aussi
grandiose de l'amour peut seulement en abaisser la valeur ». Cette
éthique, dite naturelle n'a donc ici rien à offrir si ce n'est la
satisfaction narcissique d'être en droit de se considérer comme
meilleur que ne sont les autres » si l'on parvient à s'y conformer.
L'éthique, qui s'appuie
sur la religion fait intervenir ici ses promesses d'un au-delà
meilleur. Toutefois, l'éthique prêchera en vain tant que la vertu
ne trouvera pas récompense sur cette terre. Freud en est persuadé :
« les jugements de valeur des hommes sont dirigés
inconditionnellement par leurs souhaits de bonheur, ils sont donc une
tentative pour appuyer leurs illusions par des arguments ».
Freud s'interroge alors :
peut-on parler de « culture névrosée »? La réponse ne semble pas
évidente car si pour la névrose individuelle le point d'appui est
le contraste par lequel le malade tranche sur son entourage supposé
normal, il est impossible de réaliser un diagnostic collectif
considérant la normalité d'une situation de référence. En outre,
de quel secours serait l'analyse la plus pertinente de la névrose
sociale, puisque personne ne possède l'autorité pour imposer la
thérapie de masse? ». Il semble dès lors impropre de parler de «
conscience collective ».
En conclusion Freud
s'interroge sur le destin de l'espèce humaine : dans quelle mesure
son développement culturel réussira-t-il à se rendre maître de la
perturbation apportée à la vie en commun par l'humaine pulsion
d'agression et d'auto-anéantissement ? Cette question revêt un
relief particulier à l'heure où les hommes dominent tellement la
nature qu'ils peuvent s'exterminer les uns les autres jusqu'au
dernier.
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